Laves torrentielles
Une lave torrentielle est un mélange s’écoulant rapidement constitué d’eau, de matériaux fins et de gros blocs de terre et de pierre. On parle également de « lave de boue », « coulée boueuse », « coulée de boue » ou « coulée torrentielle ». Les laves torrentielles se forment dans les lits des cours d'eau et le long des versants escarpés (coulées de boue). Elles peuvent charrier une grande quantité de matériaux solides (gravier, blocs), de terre et de bois. Étant donné qu'en règle générale les délais de préalerte ne sont pas suffisants, seules des mesures de construction permanentes sont capables de protéger les bâtiments, combinées éventuellement avec des adaptations dans l’utilisation des espaces.
Les objectifs de protection nationaux pour les nouveaux bâtiments se réfèrent à la norme SIA 261/1. Cette norme définit l’événement tricentennal comme objectif de protection contre les dangers naturels gravitationnels (crues, glissements de terrain, laves torrentielles, chutes de pierres, avalanches) pour les bâtiments résidentiels et commerciaux standard (CO I). Il convient également de respecter les directives cantonales et communales, ces dernières n’excédant toutefois pas en général les exigences de la norme SIA 261/1. Concrètement, le bâtiment doit rester intact et protéger des personnes se trouvant à l’intérieur même en cas d’événement tricentennal.
À partir de la classe d’ouvrage CO II, les exigences à respecter sont plus sévères (SIA 261/1).
Classes d’ouvrages : Les ouvrages sont classés en trois classes d’ouvrage (CO I à III) selon la norme SIA 261, chiffre 16.3. La classe d’ouvrage permet de déterminer de manière simple le degré de protection en fonction du risque.
Le degré de protection est fixé par l’appartenance de l’ouvrage à une classe d’ouvrage (CO) I, II ou III selon la norme SIA 261.
Délai de préalerte : Intervalle de temps entre l’identification du danger et le début de l’inondation.
La durée d'inondation commence au moment où l’eau afflue et se termine lorsque l'eau s’est complètement retirée.
Facteur d’importance : Facteur de pondération de la classe d’ouvrage pour le dimensionnement.
La hauteur d’incidence hwi est déterminée en additionnant la hauteur d'écoulement hf, la majoration de la hauteur hg, la hauteur de retenue hstau et la hauteur des vagues (voir la partie traitant des effets).
La hauteur des vagues hwellen d'un lac en crue doit être prise en considération (voir la partie traitant des effets).
La hauteur de retenue indique de combien la hauteur d’écoulement s’élève encore plus lorsque le flux rencontre un obstacle.
Majoration de la hauteur : Majoration de pondération de la classe d’ouvrage pour le dimensionnement.
Le niveau de refoulement est le niveau le plus élevé que l’eau puisse atteindre dans une installation d’évacuation des eaux. On fait une distinction entre a) le niveau de refoulement calculé selon le plan général d’évacuation des eaux (PGEE) et b) le niveau maximum possible de refoulement. Ce dernier correspond à la hauteur d’écoulement maximum.
Lorsqu’un terrain de forte déclivité (≥ 5-10 %) est inondé, la vitesse d’écoulement peut dépasser les 2 m/s. De telles vitesses apparaissent notamment sur les tronçons canalisés (par ex. rues et ravines). En terrain peu incliné (< 2 %), la vitesse tombe nettement sous les 2 m/s.
La vitesse de montée des eaux décrit la rapidité avec laquelle le niveau des eaux s’élève lors d’une inondation. Cette valeur est décisive pour estimer la menace qui pèse sur les personnes à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments. En cas d’inondations dues à une obstruction (par des débris flottants au niveau des ponts, des passages d’eau et des passages étroits), à des ruptures de barrages ou au déplacement d’un chenal, la vitesse de montée des eaux est rapide.
Les laves torrentielles survenant dans le lit de cours d'eau sont très dangereuses, car elles peuvent atteindre des vitesses allant jusqu’à 70 km/h et charrier une grande masse de matériaux. Il arrive souvent que les laves torrentielles arrachent et entraînent avec elles des matériaux sur les bords et le fond du lit des cours d’eau (cf. érosion des berges en cas de crue). En terrain peu incliné ou bien si les coulées peuvent s’étaler sur les côtés, cette vitesse tombe à une valeur comprise entre 7 et 25 km/h pour des hauteurs d'écoulement situées entre 0,5 m et 3 m. Si une lave torrentielle perd de la vitesse et de l'eau, elle peut s'amonceler et ainsi causer le déclenchement de nouvelles laves torrentielles.
Si la lave torrentielle déborde du chenal, on parle de débordement de laves torrentielles. Les effets d’une lave torrentielle sur un obstacle varient en fonction des matériaux charriés, de la vitesse au moment de l’impact et du contournement dynamique du mélange liquide-solide. L’impact occasionné par les éléments simples isolés de grande taille (gros blocs ou troncs d’arbre) peut aussi être déterminant. Selon son emplacement et sa forme, un bâtiment peut être simplement contourné ou submergé. L’impact direct notamment avec de gros blocs de pierre ou des troncs d’arbres est plus violent. Dans les Alpes, les laves torrentielles les plus importantes charrient un volume de matériaux solides représentant quelque 100 000 m3 ; tandis que les petites laves torrentielles en transportent seulement 100 à 1000 m3.
Les coulées de boue de versant (aussi appelées « glissements spontanés ») peuvent survenir sur des versants escarpés lorsque les couches souterraines présentent une stabilité amoindrie et qu’elles sont fortement détrempées. La masse de terre saturée d'eau se met alors subitement en mouvement. Le mouvement est très rapide en raison de la part élevée en eau, ce qui provoque un déplacement total du sol. L’action exercée sur le bâtiment est similaire au débordement de la lave torrentiel du chenal, mais les coulées de boue de versant sont plutôt constituées de matériaux fins.
Les délais d’alerte ne sont possibles ni pour les laves torrentielles dans un le lit d'un cours d'eau, ni pour les coulées de boue, à l’exception des torrents équipés en amont de détecteurs qui permettent d’alerter à temps. Ce genre d'installations lourdes est uniquement prévu dans les cas exceptionnels où par exemple elles permettent de protéger tout un village ou de fermer une voie de circulation en cas d'événement imminent.
Pour dimensionner les mesures visant à protéger des objets, des informations détaillées sur les intensités sont nécessaires. Ces données peuvent être tirées des cartes d’intensité et du rapport technique relatif à la carte des dangers (voir aussi: Guide de lecture des cartes des dangers PLANAT). En cas d'absence de données sur les intensités, elles seront déterminées par un spécialiste des dangers naturels.
Les situations de danger suivantes décrivent ce qui se passe lorsqu'un bâtiment est percuté ou contourné par des laves torrentielles et des coulées de boue de versant.
Situation de danger 1 : Une lave torrentielle percute un bâtiment
Le mélange d’eau et de matériaux solides percute le bâtiment et s’accumule contre celui-ci (hauteur de retenue). La pression exercée sur la paroi extérieure du bâtiment est déterminante. Cette pression dépend de la densité et de la vitesse de la lave torrentielle ainsi que de son angle d’incidence.
Par ailleurs, le choc occasionné par des éléments de plus grande taille (blocs de pierre, troncs d’arbres) doit être pris en compte.
Situation de danger 2 : Une lave torrentielle contourne un bâtiment grâce à un ouvrage de déviation
Si une lave torrentielle s’écoule en oblique contre un ouvrage de déviation (p.ex. une étrave ou un mur/digue de déviation) et le contourne, la pression agissant sur l’ouvrage est réduite en fonction de l’angle de déviation a. Cet angle a sera de 30° au maximum. Sinon, il n’y a plus d’effet déflecteur et l’on est en présence d’un choc tel que décrit dans la situation de danger 1. L’étrave doit en outre être suffisamment haute, car elle ne doit pas être submergée. Pour chaque mesure de protection, il convient de veiller à ne pas déplacer le danger sur des parcelles voisines.
Des mesures en termes de conception et de renforcement permettent de réduire considérablement le danger pour les personnes et les biens matériels, par exemple si le bâtiment est placé de manière optimale sur le terrain ou si l'on a choisi une forme et une orientation adaptées pour le bâtiment. Évitez de prévoir des ouvertures dans la paroi extérieure exposée aux laves torrentielles ou protégez-les en conséquence. Prévoyez, dans le secteur exposé aux laves torrentielles, uniquement des locaux où les personnes séjournent peu de temps. Réalisez les parois extérieures et les ouvertures en construction massive et rendez étanche la zone potentiellement exposée.
Propositions de concepts et de mesures de protection pour les différentes parties du bâtiment :
ASTRA (2012): Dangers naturels sur les routes nationales : Concept de risque. Méthodologie basée sur les risques pour l’évaluation, la préven-tion et la maîtrise des dangers naturels gravitationnels sur les routes nationales, Office fédéral des routes, Berne.
OFEV (2016): Protection contre les dangers dus aux mouvements de terrain. Aide à l’exécution concernant la gestion des dangers dus aux glissements de terrain, aux chutes de pierres et aux coulées de boue. Office fédéral de l’environnement, Berne. L’environnement pratique n° 1608: 98 p.
Egli, Th. (2005): Recommandations - Protection des objets contre les dangers naturels gravitationnels. Association des établissements cantonaux d'assurance incendie, Berne.
PLANAT (2009): Concept de risque appliqué aux dangers naturels. Plate-forme nationale «Dangers naturels», Berne.
Fondation de prévention des établissements cantonaux d'assurance (2014): Prevent-Building – une méthode et un outil d’évaluation de l’efficacité, de la rentabilité et de l’acceptabilité des mesures de protection des bâtiments, destinés à parer aux risques naturels gravitationnels et météorologiques. Rapport concernant la phase 1 incluant les adaptations de la phase 2. Groupe de travail Prevent-Building: WSL-Institut pour l'étude de la neige et des avalanches SLF, Egli Engineering AG, Geotest SA, B,S,S. Volkswirtschaftliche Beratung, Version 12.05.2014. (Download)
Suda J. und Rudolf-Miklau F. (Hrsg.) (2012): Bauen und Naturgefahren, Handbuch für konstruktiven Gebäudeschutz. Springer, Wien.